S'interroger. Christian Caillet est un ami. Je connais sa peinture depuis plusieurs années maintenant, je l'ai vue évoluer et pourtant nous en parlons ensemble pour la première fois. Sa peinture n'a pas besoin de discours mais suscite bien des questions : c'est quoi, c'est où, comment, pourquoi ? Beaucoup d'intérêt, pas mal de curiosité aussi, je ne quitte pas la toile des yeux, toile qui, dans le même temps, semble me demander : "Pourquoi veux-tu tout savoir de moi ? Je suis telle que je suis."
Observer. Au détour d'une balade, lors d'un voyage lointain ou d'un trajet quotidien, un paysage interpelle l'artiste. Paysages de chantier souvent, de zones en construction, ou de sites architecturaux, l'aspect composé de la scène l'intéresse. Dans un désordre apparent, les structures, les éléments ont une présence qui semblent dépasser le hasard. Un espace construit, techniquement habitable mais parfois inhospitalier, dans lequel l'artiste collecte sa matière première. Il prélève des éléments, prend une photo, des images en tant que prise de note, la recherche d'un vocabulaire....
Recomposer. En quête de ce moment ressenti, Christian Caillet agence sur la toile les éléments dont il a pris note, les combine parfois, pour créer ce qu'il appelle une "réalité secondaire". Son travail : s'imprégner de cet espace qui lui résiste, analyser les tensions qui y existent, traduire les rapports de force, les transformer pour mieux les appréhender, déchiffrer les architectures pour tenter de les comprendre.
Peindre. Touche après touche les lignes et les formes sont modifiées, digérées, usées. L'artiste souligne des évidences, gomme des preuves …
Les éléments ne sont pas traités pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils pourraient être, pour ce qu'ils représentent. Les formes, les couleurs, la lumière, donnent des indices, tout en brouillant les pistes, nous emmenant parfois vers des terrains évoquant davantage l'organique, l'aquatique, le fluide... reflet de l'impression du moment. La couleur devient matière, elle conduit le regard, disperse le point de vue.
Construire. L'image transformée, filtrée, annotée ou surlignée, abstraite par moment, devient l'expression d'un moment où les masses, les pesanteurs, les déséquilibres, tout comme les impressions d'humidité, les odeurs de béton, de boue ou de poussière, conduisent à la proposition d'un lieu, structuré, mystérieux, possible.
Frédérique FOULL
http://www.christiancaillet.fr/